One swipe after another: an exploration of the use of dating technologies in intimate paths


Noé Klein, Université du Québec à Montréal

On estime que près de 30 % des personnes hétérosexuelles ont déjà utilisé un site ou une application de rencontre, et ce chiffre atteint les 55 % pour la population LGBTQ+ (Anderson et al., 2020). Les technologies de rencontre en ligne se sont rapidement imposées, allant détrôner le milieu de travail et les réseaux de connaissance comme lieu de rencontre privilégié (Rosenfeld et al., 2019). Cette place remarquable qu’occupent les technologies de rencontre canalise inévitablement les interrogations concernant les éventuelles transformations de l’intimité contemporaines. Des critiques provenant à la fois des milieux académiques et des médias relèvent le caractère commercial de ces plateformes, détenues par des compagnies privées qui privilégieraient la marchandisation de données des personnes utilisatrices au fait de permettre la formation de nouvelles relations via ces services (Heino et al., 2010 ; Narr, 2022). Les sites et applications de rencontre (SAR) sont alors perçus comme l’incarnation de l’affaiblissement des liens sociaux et intimes, associé à une supposée peur de l’engagement (Illouz, 2020). La tendance à rendre les rencontres toujours plus simples et rapides, en fonction de critères précis dans un bassin de partenaires potentiel·le·s pratiquement infini est vu comme un contexte défavorable au développement de relations intimes authentiques et durables, favorisant davantage la sexualité occasionnelle. Des observations vont montrer qu’au contraire l’utilisation des SAR est loin d’être systématiquement associée à la recherche de rencontres sans engagement. Les personnes utilisatrices de ces plateformes de rencontre vont pour la majorité rechercher des partenaires de relation romantique, et continuer à se référer aux repères romantiques traditionnels au fil des échanges (Portolan et McAlister, 2021). Les fonctionnalités offertes par les plateformes de rencontre en ligne offrent toutefois un contexte spécifique, qui permet de contourner certaines conventions des rencontres en personnes, facilitant les configurations relationnelles alternatives en exposant plus frontalement les attentes personnelles que l’on peut avoir en matière d’intimité (Hobbs et al., 2017). La communication proposée consiste en la présentation d’une recherche sur l’inscription des SAR dans les parcours intimes de personnes hétérosexuelles ayant entre 25 et 35 ans. Afin de dépasser des positions parfois polarisées, l’approche utilisée repose sur la considération que l’intimité moderne n’est pas passée d’une conception romantique traditionnelle à une conception moderne partenariale, mais que différents idéaux coexistent et s’inscrivent sur un spectre continu (Piazzesi et al., 2018, 2020). Plutôt que de considérer une éventuelle influence unilatérale des technologies de rencontre sur la vie intime des individus, cette recherche s’intéresse à la manière dont ces individus négocient leur rapport aux SAR dans leurs parcours personnels en fonction de leur conception de l’intimité. Ainsi, trois dimensions principales structurent l’analyse proposée : 1) l’influence des conceptions de l’intimité sur l’utilisation des SAR ; 2) l’intégration de l’utilisation des SAR au parcours intime individuel ; 3) l’influence de l’utilisation des SAR sur les conceptions de l’intimité. La perspective relationnelle processuelle a été choisie pour articuler ces différentes dimensions au cours d’une enquête qualitative longitudinale effectuée auprès de 20 personnes utilisatrices de SAR. Cette approche théorique permet d’étudier le déploiement des dynamiques sociales dans des rapports d’interdépendance entre différentes entités. Ainsi sont considérées les dynamiques relationnelles existantes entre les personnes utilisatrices de SAR, mais aussi le rapport que ces personnes développent avec les plateformes elles-mêmes. En proposant certaines fonctionnalités, les technologies peuvent orienter les interactions possibles, mais l’utilisation d’outils numérique est toujours propice à des détournements et des ajustements en vue de combler des objectifs personnels (Jauréguiberry, 2015). Cette approche choisie dépasse les simplifications critiques, ouvrant la voie à une compréhension plus profonde des implications théoriques et méthodologiques de la place complexe qu’occupent les sites et applications de rencontre dans l’intimité contemporaine.

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